La liberté ou la mort
J'aurai eu les deux
Dans les années 90, quand je me suis convertie à l’islam, et radicalisée par la suite je le voyais bien que je devenais « nazie » mais je n’arrivais à mettre des mots car nous n’avions pas tout le lexique que nous avons aujourd’hui. Et c’est là que je me suis dit : il faut que je m’en sorte. Mais il n’y avait pas qu’un réseau (recrutement pour partir en Afghanistan), il y avait la famille et amis aussi dans cette histoire.
Bref pas trop envie d’en parler en détail. Mais je m’en suis sortie avec des coups, une oreille bousillée presque totalement sourde, il me reste que 20%. Et si j’avais été la police à ce moment-là, cela aurait été une histoire banale, une dispute conjugale. De plus, je l’ai frappé aussi c’est même moi qui avais commencé, je voulais voir toute cette haine les yeux dans les yeux tout en sachant que je pouvais y rester.
À partir de ce jour, j’ai coupé net, partie de la maison, j’ai mis un terme avec nos amis et sa famille… tout. Mais comme dans une secte, après un mois ça me manquait… car on ne se déradicalise pas du jour au lendemain. J’y suis retournée mais cela a duré que quelques semaines. J’étais donc harcelée pendant plus d’un an. Puisqu’il avait le devoir que si j’échouais dans ma conversion, c’était sa faute. Donc, pour ce réseau je ne pouvais pas devenir apostat. Je le voyais bien que c’étaient des agents car ils n’étaient pas de ma ville mais de quel pays, je ne l’ai jamais su, surtout qu’ils proposaient à mon mari une somme énorme pour quelques semaines d’entrainements. Mon doute était d’Algérie, puisque c’était le début de la décennie noire et que mon mari était revenu justement d’Algérie et qu’il était pour le FIS à fond. Ou alors américains puisque c’était l’Afghanistan l’endroit où aller, mais ça ne tient pas non plus car ce n’était pas contre les russes. Que du contraire c’était pour revenir et en faire une sorte de cellule dormante. Bref, je n’en sais toujours rien pour qui. J’avais essayé d’en parler autour de moi, mais sans lexiques et sans preuves à part des tracts de propagandes de victimisation sur les tortures que l’état algérien faisait Mais ma mère les a brulés par la suite, difficile à expliquer. Même la police ne savait rien de tout ça.
C’est juste pour vous mettre dans ce contexte sans lexique sans savoir ce que l’on sait aujourd’hui…
J’ai donc fait un refoulement de 18 ans qui s’est éveillé en 2011, au début de cette guerre en Syrie. Tous les premiers témoignages de ces déradicalisés… émissions sur cela à n’en plus finir et je trouvais enfin un lexique, mettre des mots sur mes souvenirs. Mais cela revient en flash et en désordre. Pendant cette période de refoulement, j’ai tout fait inconsciemment contre cette idéologie, tout ce qu’on ne peut pas faire à leurs yeux. J’ai même fréquenté Mano Solo, le fils de Cabu via webcam… Je savais que Charlie avait déjà été menacé, mais avec Mano nous n’en parlions pas et moi comme j’étais dans mon refoulement rien non plus. Surtout qu’il parlait rarement de son père et toujours de sa mère. Sauf, quand il a chanté avec son père à Charlie Hebdo, il s’est empressé à nous faire écouter la chanson « La java du Diable » tout fièrement. Inconsciemment, nous nous créions des liens comme si on se protégeait sans s’en rendre compte.
Je m’en voudrai toute ma vie de n’avoir pas vu venir l’attentat de Charlie. Car je sais dans cette idéologie, qu’ils préfèrent insulter un musulman que l’islam, pour eux c’est la pire des choses de se moquer du prophète (j’ai même plus envie de dire son nom, à ce point !). C’est pour cela que dans ce débat, qui vise l’islam et non le musulman, c’est pire pour eux ! Car dans un attentat, il peut y avoir un musulman, c’est un dommage collatéral pour eux, c’était même une question que j’avais posé. J’aurai dû voir au moment de la guerre de Syrie que ce refoulement à eux, de venger le prophète, allait resurgir ! Et aujourd’hui, Henri Peña-Ruiz est tout aussi en danger, même si je comprends très bien de ce qu’il veut dire du point vue Occidentale. Mais il se trompe, critiquer l’Islam est pire pour eux que de critiquer un musulman. Et désolé avec ce « eux » et « nous » mais c’est bien leur dialectique.
Et dans ce refoulement, je me suis rapprochée que de la gauche, que je suis même fichée d’extrême gauche, je le sais car je viens de me naturaliser et la police avait un casier vierge. Mais les agents l’ont appelé pour avoir plus de précision, chez eux mon casier n’est pas vierge. Et là j’ai tout raconté, donc mon dossier est entre de bonnes mains (À part, si un jour, il y aurait un parti au gouvernement du genre sharia for belgium). Je me suis rapprochée de la gauche peut être encore par ce refoulement, je ne sais toujours pas j’ai même toujours continué à être que pour la Palestine. Mais fur et à mesure que la guerre en Syrie continuait, cela a été le contraire. Car j’ai vu comment les casques blancs qui sont toujours avec les islamistes manipulent la propagande d’enfants déchiquetés par les bombes, se servent de leurs enfants comme un "bouclier" or qu’ils ne disent rien quand ils en font des enfants soldats, tout comme en Palestine ou quand ils décapitent carrément un enfant comme celui d’Alep-Est. J’en suis que je ne veux pas que des islamistes prennent un quelconque pouvoir, ils veulent faire tomber un tyran pour en mettre à chaque coin de rue. Et j’ai bien peur que ce rapprochement de la gauche a été une histoire… non au fait, je ne sais toujours pas. Tout ce que je sais c’est que l’attentat de Charlie allait tuer la gauche aussi car la gauche européenne ne peut pas nous protéger des islamistes. Sauf la gauche radicale des kurdes. En 2008, encore inconsciemment, j’avais rencontré deux filles kurdes et leurs parents en Espagne et nous avons passé nos vacances ensembles.
Je sais qu’avec cette histoire d’islamophobie, les gens vont faire un refoulement, puisque j’ai moi-même passé par là. Les apostats pourront même plus parler. Mais cela n’empêchera pas tous ces radicalisés de revenir, de propager cette idéologie, des actes… et pire toutes les victimes n’auront pas un procès à la « Nuremberg ». Or que c’est cela que nous attendons, un procès à la « Nuremberg » contre les djihadistes mais aussi sur cette idéologie « nazie (et ce n’est pas encore le bon terme) ».
Je ne veux pas que cela tourne, ni au refoulement car cela ne fait que gagner juste un peu de temps, ni à la vengeance car ils attendent que cela et encore moins à un face à face (guerre civile) qui de plus je ressens cette guerre civile se rapprocher de plus en plus. Surtout, l’Occident sous-estime les séquelles de cette idéologie même pour ceux qu’ils veulent s’en sortir que ce soit psychiquement que physiquement. Et sous-estime aussi les femmes radicalisées, ce sont elles qui mènent la « danse ». Je l’ai bien vu avec moi, quand j’ai décidé de partir, ça a chamboulé le réseau et il s’est dissout car j’en ai parlé aux pères et personne n’est parti. Mais si j’avais voulu… Tout comme Muriel Degauque, première femme kamikaze occidentale, une fille qui habitait à deux pas de chez moi, c’était elle la meneuse sur ses hommes. Et encore c’était une des plus « gentilles ».
« 11.000 femmes et enfants de djihadistes étrangers dans les camps de réfugiés ou de déplacés au nord-est syrien, dont 4.000 femmes 7.000 enfants (données officielles actualisées des kurdes de Syrie) »
Plus de 70 000 personnes [y compris les combattants de l'Etat islamique et leurs familles] se trouvent actuellement dans le camp d'Al-Hol (images de drones). La population du camp est 7 fois plus grande que la population de la ville d’al-Hol elle-même.
Il faut absolument un procès à la « Nuremberg » pas politisé contre Bachar qui de plus, cette partie de la Syrie est protégée aussi par la Russie mais bien contre ces djihadistes et cette idéologie en la nommant avec le bon terme car cela s’est passé bien avant Daesh et ils changeront de noms d’ailleurs.
Je ne nommerai pas cela une évolution mais un combat de tous les jours avec des séquelles psychiquement et physiquement. Je pense même que nous sommes une génération (voir plus car cela amplifie) perdue. Puisqu’à 20 ans cela devrait être les plus belles années or que cela a été les plus horribles. Et ce n’est pas qu’un cas personnel quand je vois toutes ces filles de 20 ans perdues au camp d’Al-Hol, et sans parler des autres camps qui en ont été victimes de cette idéologie, j’ai plus de mots.Voir le fil de discussion de Claude Moniquet
Mano Solo : 24 avril 1963 – 10 janvier 2010. Son enterrement.
La seule chose que je me réjouis dans cette histoire, c’est que Mano n’a pas vu la suite.
Quand je ne serais plus là, c'est vous qui serez tous morts. C'est vous qui serez tous morts pour moi.